Une œuvre

unique et multiple

Les Javanais (1939)

Le roman d’une réalité sociale

L’histoire de Java, l’existence de Java ressemblent à une parenthèse qui cristallise les espoirs d’un ailleurs plus clément pour les sans-papiers et réalise dans une certaine mesure cet idéal. Car Java est un monde riche d’un langage fait de tous les autres, d’une communication active. La solidarité entre ses habitants s’exprime lors de la grève qui répond à la décision de fermer la mine et permet aux Javanais d’arracher de meilleures conditions de départ.

Cette vision du monde est-elle réaliste ? Elle l’est, dans le sens où elle montre les potentialités qui, selon Malaquais, existent chez les opprimés. Elle l’est aussi quand on pense à la période durant laquelle le roman a été conçu : un an après les grandes grèves de France et les actions révolutionnaires des travailleurs d’Espagne. La solidarité dont font preuve les mineurs n’est pas une vue de l’esprit à laquelle Malaquais aurait donné vie l’espace d’un roman ; elle est révélatrice d’une réalité ouvrière vivace à ce moment-là. À cet égard et au-delà de la description des conditions de vie et de travail des mineurs, Les Javanais est aussi pleinement le roman d’une réalité sociale.

Un réalisme poétique

C’est par ailleurs un roman de l’entre-deux. Le récit s’inscrit dans une durée circonscrite, une semaine en l’occurrence, de dimanche à dimanche. Cette semaine suffit à l’un des deux personnages du prologue, Maniek Bryla, pour quitter son pays natal et arriver à Vaugelas alors que la mine est en train de fermer. Java symbolise un ailleurs qu’on atteint sans pouvoir y vivre ni s’installer, un but qu’on n’a de cesse de poursuivre.

L’évanescence même du rêve fait partie du réalisme. La quête incessante, sinon d’un paradis sur terre, du moins d’un monde moins mauvais, moins dur à vivre, est entreprise par tous les sans-papiers qui fuient leur pays natal, pour des raisons économiques ou politiques, avec l’espoir chevillé au corps de connaître un sort meilleur. Les Javanais est donc pleinement un roman réaliste qui dépeint la quête incessante d’une autre vie par les apatrides d’hier et d’aujourd’hui.

Narrateur, lecteur et personnages dans le même wagonnet

Le chroniqueur de cette île minière, ou de cette mine insulaire, de ce territoire aussi dessiné et particulier que la République de Montmartre avec ses poulbots, le narrateur lui-même, mêle sa voix à celle des personnages, son idiome au leur. Ainsi, de la première à la dernière ligne, des dialogues aux descriptions, des narrations aux monologues, le livre entier « cafouille java ».

Caquet de la marmaille, caquet des femmes, java vaja ça va blabla, d’autres onomatopées, ouille youille de la sorcière dorlotant sa peine.

C’est un personnage qui se parle ainsi à lui-même mais le narrateur qui capte sa pensée n’a pas à la traduire pour la transmettre.

Lectures des Javanais

Découvrez Les Javanais grâce aux lectures données par la Société. 

En savoir plus

Un extrait est disponible à l’écoute. Voici la première piste des lectures données par les membres de la Société. L’extrait est intitulé La mine de Vaugelas.

Les 11 pistes donnent une idée fidèle du premier livre écrit par Jean Malaquais, Les Javanais (Prix Renaudot 1939).

Planète sans visa (1947)

Ce roman, considéré comme le chef-d’œuvre de Malaquais, est une grande fresque historique où le lyrisme visionnaire se mêle au plus sombre réalisme. Le roman évoque Marseille en 1942, alors que la ville se situe dans la zone non occupée («nono») par l’armée allemande.

Ce roman avait cinquante ans d’avance : il est temps de le lire.

Norman Mailer

Une temporalité romancée

Dans Planète sans visa, Malaquais choisit de ne pas respecter la chronologie réelle des épisodes qu’il raconte. L’auteur utilise une temporalité condensée pour dramatiser les événements. Voici une comparaison entre la chronologie réelle des événements et la chronologie retenue dans le roman :

La chronologie réelle :
1. Pétain visite Marseille le 3 décembre 1940
2. Les rafles de Juifs se précipitent à l’été 1941. La plus grande a lieu en août 1942.
3. La Wehrmacht entre à Marseille le 11 novembre 1942

La chronologie du roman :
1. La rafle des Juifs, préparatoire à la visite de Pétain, a lieu en 1942.
2. Pétain visite Marseille en 1942
3. La Wehrmacht entre à Marseille le 11 novembre 1942

De vieilles connaissances

Dans Planète sans visa, Malaquais évoque les conditions de vie pendant la guerre et nous présente deux vieilles connaissances : la dèche et la faim.

« Dans la rue Lévis où naguère des volailles plumées et des viandes saignantes et des fromages opulents débordaient en cascade sur le trottoir et se mêlaient aux fruits étagés en pyramide dans les voiturettes des maraîchers, quelqu’un offrait des brocolis, quelqu’un des rutabagas, et un ménage d’aveugles une sébile. » Planète sans visa, Paris, Phébus, 1999, p. 313.

Les personnages

Malaquais donne vie à tous les personnages de Planète sans visa. Il nous fait connaître leurs pensées sans les juger, quelle que soit leur orientation idéologique. Planète sans visa témoigne de l’expérience incroyable d’une coopérative ouvrière, le Croquefruit (Sucror), fondé par l’acteur trotskiste Sylvain Itkine. Dans ce refuge précaire, les humanistes malaxent et militent.

Ce roman est un des seuls à mettre en scène des militants internationalistes au cœur de la Deuxième Guerre Mondiale. Le roman présente également le haut fonctionnaire Aldous John Smith qui permet aux humanistes de fuir l’Europe. Ce personnage représente le bien réel Varian Fy et Malaquais en a fait un personnage essentiel de Planète sans visa et l’objet de plusieurs essais. Fry lui envoya son livre de mémoires Surrender on Demand (La liste noire) avec la dédicace suivante : «To the one who has not forgotten».

Journal de guerre (1943)

La mobilisation

Malaquais ne profite pas de son prix Renaudot en 1939 : il est mobilisé comme apatride dans la « Drôle de guerre ». Il relate cette expérience en prenant des notes qu’il envoie à sa compagne Galy. Ce sera la matière première de son Journal de Guerre

Malaquais a composé un Journal de guerre qui débute en août 1939 et s’achève sur la déroute de 1940. Il y joindra un Journal du métèque relatant l’atmosphère de Paris sous Pétain, son départ à Marseille et son évasion pour le Nouveau Monde en octobre 1942. Le Journal de guerre n’évoque pas le passé de Malaquais. C’est avant tout le récit de la violente colère de l’auteur face à l’ambiance de l’été 39 et à la guerre.

Le Journal de guerre est un acte de résistance à la guerre où Malaquais s’efforce de témoigner pour survivre. Sans jamais s’exclure complètement de l’humanité, Malaquais observe l’abrutissement de masse de la troupe en campagne. Il a besoin de comprendre cette déchéance pour demeurer lui-même et sauver sa confiance en l’homme.

Publication…

Le Journal de guerre fut édité, dans son intégralité, aux Éditions de la Maison Française, à New York, en 1943 et parut en traduction anglaise en 1944. Mais, à ce moment-là, le journal ne parut pas en France, parce que selon Malaquais, la « description de l’armée française », de sa propre « expérience », des « bouseux » avec lesquels il avait été mobilisé n’était pas « très glorieuse ». Et d’ajouter : « Il y a une espèce de provincialisme, de manque d’autocritique dans ce pays, qui me renverse, me renverse.« 

… intégrale

En 1988, quelques extraits du Journal du métèque furent finalement édités en France dans la revue nota bene et presque dix ans plus tard les deux journaux, Journal de guerre, suivi de Journal du métèque, parurent dans leur intégralité.

S’il y a une force dans mes notes de guerre, si vous vous plaisez à y trouver de l’humanité, c’est que ces lignes, ces mots sortent en ligne droite de mon bas ventre – vous savez de cet endroit où gît l’âme des hommes, des hommes qui en ont. 

Journal de guerre

Le Gaffeur (1953)

Un conte philosophique

Le Gaffeur est une sorte de conte philosophique qui dénonce la mutilation de la conscience dans une société où la Cité écrase les individus et se perpétue en interdisant toute manifestation de pensée Ce livre marque un tournant dans l’œuvre de Malaquais. Pour la première fois une thèse, philosophique ou politique, sous-tendait le récit. Elle n’empêcha pas la réussite romanesque, mais elle revendiquait une importance qui crut dans les écrits suivants, jusqu’à faire sortir Malaquais du domaine de la fiction..

Parutions

Le Gaffeur parut en 1953, chez Corrêa; et en 1954 aux États-Unis, sous le titre The Joker. A sa sortie, l’œuvre connut un remarquable succès critique : le style de Malaquais fut souvent comparé à celui de Kafka. Les critiques élogieuses furent tout aussi abondantes aux États-Unis, et il y eut même des articles sur le roman dans des journaux hollandais et pakistanais. Pourtant les ventes ne suivirent pas… L’œuvre a été rééditée chez Phébus en 2001 et il est à nouveau possible de la découvrir.

En 1953, Malaquais publie Le Gaffeur, roman où, pour la première fois, il «se marie» à un personnage central.
« Je m’efforce, dans ce livre, de peindre la Barbarie, mais cette fois-ci, contrairement à ce que j’avais fait dans mes Javanais et dans ma Planète, sur le plan individuel, à travers l’existence d’un seul personnage. Le livre est écrit à la première personne. Pas de date précise, pas de lieu géographique, cela se passe dans la Cité, au sens romain du mot, qui englobe la société dans sa totalité historique. » 

Jean Malaquais

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