Je me propose de partager avec vous ma découverte de l’œuvre de Jean Malaquais qui reste ma plus belle découverte littéraire depuis plusieurs décennies. En tout premier, je dois cette découverte à mon engagement pour faire connaître l’histoire du camp de concentration pour femmes de Brens (près de Gaillac dans le Tarn).
« Tu devrais lire Malaquais ! »
La première Journée Internationale des Femmes de notre association le 8 mars 2003, autour du spectacle Peau d’âme de Gigi Bigot ayant connu un franc succès, j’étais à la recherche d’un spectacle pour la 2e édition de cette manifestation. Mes recherches sur internet m’ont amené à faire une découverte à peine croyable : deux spectacles intégrant des textes d’internées des camps de femmes de Rieucros (à Mende) et de Brens que je considérais alors comme les camps les plus méconnus de France. Il s’agit de Paroles contre l’ombre. La part des femmes et Le chant des captives créés par Dominique Sarrazin et des comédiennes du Théâtre de la découverte de Lille qui, pour moi, a été assurément bien nommé. Le projet d’organiser une tournée théâtrale à Mende, Albi et Gaillac étant relativement coûteux, il nous a fallu patienter jusqu’à mars 2010 pour le réaliser.
Dans cette attente, je restais en communication avec Dominique Sarrazin qui lors d’une conversation téléphonique me confia : « J’ai fait une découverte littéraire extraordinaire : Jean Malaquais ! Tu devrais le lire. » Étant alors fort occupé entre ma profession, ma famille et mon engagement associatif, je lui ai répondu : Oui, je le lirai quand je serai à la retraite car je n’ai actuellement que le temps de « lire utile » pour mon travail et pour mes recherches historiques.
Je ne pensais guère à Malaquais la première fois qu’il me fut donné d’écouter Le chant des captives mais mon écoute d’une évocation d’une rafle à Marseille (cf. Planète sans visa) fut pour moi un véritable choc. L’injonction amicale de Dominique « Tu devrais lire Malaquais ! » m’est alors revenue à l’esprit. Sans attendre ma retraite, je me précipitai dès le lendemain matin, chez mon libraire. Il me fallut cependant attendre encore une éternité – quatre jours – avant que celui-ci ne m’appelle pour m’annoncer qu’il avait reçu « Planète sans visa ».
Le choc
Et là, quand je l’ouvris pour la première fois, je reçu un nouveau choc en découvrant que Jean Malaquais l’avait dédié à des cousins de ma mère, Dominique et Jean de Ménil. Je m’immergeais alors avec délice dans l’écriture de Malaquais et avec vif intérêt dans l’univers de Marseille qui fut le port et la porte vers la Liberté pour tant d’êtres humains réduits à l’état de gibier pourchassé par les nazis et le zélé régime de Vichy.
En parallèle, mes recherches familiales me firent découvrir les liens d’amitié qui unissaient Jean Malaquais au couple de Ménil. Celui-ci avait dû fuir l’annexion de l’Alsace – Moselle par l’Allemagne nazie pour se réfugier au Venezuela, à Caracas où il rencontra Jean et sa compagne Galy à leur arrivée de Marseille d’où ils avaient pu s’évader grâce à Varian Fry (alias Aldous John Smith dans Planète sans visa). Dans l’attente de leurs visas pour le Mexique, Dominique et Jean les accueillirent quelques mois chez eux. De leur rencontre naquit une profonde amitié.
Notre regrettée Dominique Malaquais m’en a donné un beau témoignage en me confiant, lors de notre dernière rencontre en mars 2019 à l’occasion du colloque « Les Conrad français » : Les auteurs étrangers en France entre 1918 et 1945, qu’elle devait à sa marraine Dominique de Ménil non seulement son prénom mais aussi sa passion pour les arts, l’orientation de ses études et plus largement de sa vie. Ma gratitude s’adresse aux trois « Dominique ».
J’espère vivement que la correspondance Malaquais – de Ménil pourra prochainement être publiée, éventuellement par la Société Jean Malaquais dont la présidente Geneviève Nakach ainsi qu’Elisabeth Malaquais reconnaissent l’intérêt et les qualités.
Remi Demonsant
à Gaillac le 20 mars 2022
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