Numéro épuisé

Cet ouvrage est actuellement épuisé. Vous pouvez contacter la Société Jean Malaquais si vous souhaitez consulter l’un de ces articles dans le cadre d’un travail consacré à Malaquais.

Sommaire

• Avant Propos par Antoine Compagnon
• Des nouvelles de Malaquais par Geneviève Nakach
• Autoportrait en guerrier solitaire : Le Journal de Jean Malaquais par Claude Burgelin
• Planète sans visa ou Voix sans issue par Pierre Masson
• Le Gaffeur (1953) : le Poète et la Cité par Bruno Curatolo
• Jean Malaquais, internationaliste par Yann Martin
• Le nommé Jean Malaquais ou l’anti-patriote comme il respire par Georges Millot
• Les Javanais : la comparaison entre Céline et Malaquais est-elle fondée ? par Geneviève Nakach

Avant-propos

Je connaissais à peine Jean Malaquais quand, il y a une petite dizaine d’années, Geneviève Nakach, à l’improviste, m’a rendu visite à la Sorbonne pour me proposer un sujet de thèse sur son œuvre. D’autres collègues, notamment Henri Godard, auraient été sûrement mieux désignés pour diriger ce travail. Mais nous avons découvert Jean Malaquais ensemble, Geneviève Nakach et moi, et avec passion. Quand elle est venue me voir pour la première fois, nous ne savions rien ou à peu près rien de son auteur, mais je l’ai lu aussitôt, et sa vie et ses romans m’ont de plus en plus vivement intéressé. Nous avons ainsi appris qu’il vivait à Genève, et Geneviève Nakach a pu très vite se rapprocher de lui. Aux États-Unis, il y a longtemps, j’avais organisé un colloque sur les Français qui avaient séjourné aux États-Unis pendant la Deuxième Guerre mondiale : hommes politiques, journalistes, écrivains, artistes. Jean Malaquais était de ceux-là : de ce point de vue aussi, un travail sur lui aurait un grand intérêt pour moi et j’ai été heureux qu’il pût se réaliser.

Au cours des quinze dernières années, tandis que Geneviève Nakach menait ses recherches, l’actualité de Jean Malaquais est devenue de plus en plus intense. La réédition des Javanais en 1995 avait lancé le mouvement : c’était elle qui avait conduit Geneviève Nakach vers son auteur. Celui-ci méritait amplement qu’on reparlât de lui. Depuis, beaucoup d’autres publications ont revu le jour : non seulement les romans et récits, Planète sans visa, Le Gaffeur, ou Coups de barre, mais aussi la correspondance, notamment avec Gide et, plus récemment, avec Norman Mailer, ami de Malaquais qui avait traduit Les Nus et les Morts, ou encore le passionnant Journal de guerre, suivi du Journal du métèque. Il faut ici rendre hommage aux éditions Phébus et aux éditions du Cherche-Midi, qui ont fait revivre cette œuvre.

Dans sa thèse sur Jean Malaquais, Geneviève Nakach nous a beaucoup appris. Elle a apporté de nombreuses connaissances inédites sur sa biographie, notamment sur son enfance et sa jeunesse en Pologne puis en France, ainsi que sur son séjour américain. Elle s’est liée à sa femme, Élisabeth Malaquais, et à sa fille, Dominique Malaquais, et j’ai eu le plaisir d’apprendre que nous avions été collègues à l’université Columbia, à New York. Au fur et à mesure de ce travail, j’ai eu le sentiment que nous tissions de plus en plus de liens avec l’écrivain et avec l’homme, un homme éminemment sympathique. Aussi, quand Geneviève Nakach a voulu organiser un premier colloque sur son œuvre à la Sorbonne, il m’a semblé que l’idée était pleinement opportune et qu’il lui revenait en effet de la réaliser.

Geneviève Nakach a beaucoup contribué au retour de Jean Malaquais dans l’actualité éditoriale et littéraire, et ses recherches se sont poursuivies depuis la fin de sa thèse. C’est elle qui donné les éditions des correspondances avec Gide et Norman Mailer. Aujourd’hui encore, elle a beaucoup à nous apprendre, car il restait des points obscurs sur les débuts de la vie de Jean Malaquais. L’enquête qu’elle a faite en Pologne, à Varsovie, est essentielle et passionnante, à la fois par la singularité et l’exemplarité de l’histoire familiale qu’elle révèle. Nous avions souvent discuté de cette période de la vie de son auteur, nous interrogeant sur sa famille, sa culture, sa formation. Avoir le baccalauréat en 1925, ce n’était pas rien. À cette date, cela impliquait une solide connaissance des humanités, un fort bagage scientifique.

Et puis il y a tout ce qui concerne les rapports de Malaquais et du judaïsme. Récemment, lors d’un colloque à Tel Aviv, j’ai donné une communication sur les intellectuels et écrivains français et la Palestine dans les années 1920, et sur leur absence de curiosité pour les expériences qui s’y déroulaient, ou même sur leur méfiance. Si j’avais su, j’aurais pu ajouter des considérations sur Jean Malaquais. Celui-ci, installé en France, se coula dans le franco-judaïsme dominant, pour lequel le sionisme était encore inacceptable. Entre les deux guerres, le judaïsme français était dans l’ensemble, à quelques exceptions près, très antisioniste. Il importe de mieux connaître les débuts de l’œuvre de Malaquais, d’un point de vue biographique mais aussi historique, quant à ses rapports au judaïsme comme à la France, mais il convient aussi de lire et d’analyser ses romans. Le grand intérêt de cet ensemble d’études sur Jean Malaquais est de faire le point sur la contribution majeure de cet homme et de cet écrivain aux lettres françaises du xxe siècle.

Antoine Compagnon